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MC Solaar est à la fois prose et combat | Slate.fr - Slate.fr

Temps de lecture : 4 min

Depuis des années, il incarne un rap doux et intelligible qui prône la concorde. Mais en grattant la surface, on découvre un artiste bien plus multiple et frontal qu'il n'y paraît. Rencontre avec un homme perché et peu enclin à la nostalgie.

MC Solaar durant une séance photo à l'occasion de la réédition de ses premiers albums, à Paris, le 15 septembre 2021. | Joel Saget / AFP
MC Solaar durant une séance photo à l'occasion de la réédition de ses premiers albums, à Paris, le 15 septembre 2021. | Joel Saget / AFP

Vieux sage, esthète de la langue française, doux et discret. Voici l'image que MC Solaar renvoie au grand public depuis maintenant trente ans. Pourtant, c'est un brin réducteur. Claude M'Barali a cela de fascinant qu'il est à la fois un pan majeur de la définition du rap français des années 1990 (avec IAM, NTM et Assassin), mais également un rappeur totalement à part. Un archétype et un ovni, en somme, un type dont le côté sympathique et conciliant masque pourtant bien des facettes.

Dans un hôtel cossu du XIIIe arrondissement de Paris, il enchaîne clope sur clope, divague, lunaire et posé. Bienveillant et heureux de discuter de la réédition de ses quatre premiers albums, indisponibles à la vente ou à l'écoute en streaming depuis un conflit contractuel avec sa maison de disques Polydor en 1998. «Oui, je suis content, avoue-t-il. Ça me permet de voyager dans toute une époque. Une belle époque.»

Cette époque, c'est donc celle des albums Qui sème le vent récolte le tempo (1991), Prose Combat (1994), Paradisiaque (1997) et MC Solaar (1998). Celle qui l'a consacré jongleur du verbe, celle qui a loué son beau-parler souvent opposé à la rage d'Assassin ou de NTM. «J'aime pas le rap, mais MC Solaar ça va», entendait-on sur les plateaux télé ou dans les foyers. Mais ce qui a frappé les connaisseurs du genre, c'est surtout son côté perché.

Car derrière les habiles effets de style transpirait surtout un esprit un peu ailleurs. «Franprix, Uniprix, Viniprix, Monoprix, saloperies / Nos commerçants l'ont bien compris / Ce monde caca-pipi-caca-pipitaliste», peut-on entendre sur «Matière grasse contre matière grise». Le message était clair, mais la forme parfaitement hors cadre.

«J'étais devenu un parent d'élève»

Voilà de quoi faire naître le doute. MC Solaar est-il vraiment le vieux sage du rap français que l'on nous a vendu durant des années? Qui connaît sa discographie complète le sait: le rappeur a touché à tout. «J'ai fait du rap de conseils à destination des plus jeunes, des flows rapides, du rap de commando avec “Quartier Nord”, des chansons presque parlées comme “Caroline”. Tout l'arsenal du rap.» Enfin presque, n'exagérons pas.

Son album Cinquième As, sorti en 2001 et de loin son plus gros succès commercial, était offensif en matière d'arrangements de composition, maniait le design sonore à foison (lorsqu'il disait le mot «chaîne», on entendait le bruit d'une chaîne), partait dans tous les sens. Il n'avait rien de posé ou de sympathique, n'était pas positif ou amusant. Il s'agirait de ne pas l'oublier.

Et puis, en 2007, MC Solaar a pris du recul par rapport à la musique. Pire encore, il s'est totalement retiré du game pendant neuf ans, pour ne revenir qu'en 2017 avec l'album mitigé Géopoétique. Durant cette période, on l'imagine en train d'avaler les essais de philosophes, de méditer, en retraite quasi spirituelle. «Je me reposais, je faisais autre chose, explique-t-il. On peut devenir addict à la paresse. J'étais devenu un parent d'élève. En mode pause. Tu te lèves tôt, tu profites, tu vois des amis. C'était super, mais à un moment donné, il faut s'y remettre.» Quoi? Comment? C'est tout? Bah oui, c'est tout. Qu'est-ce que vous imaginiez?

Kaaris, Jul et drill de Chicago

MC Solaar n'est donc pas vraiment ce que l'on croit. À ses débuts, sa volonté était clairement de changer l'image du rap, d'éviter que «des commentateurs comme Roger-Gérard Schwartzenberg ou Guy Debord» ne deviennent les juges de ce qu'il fallait écouter ou non, de faire de l'ego-trip «immense et rigolo», détaché.

«Viking de l'empire du soleil levant / Constate que je te fouette avec poésie», scandait-il sur «Intronisation». Toujours avec la volonté d'amener de la concorde, c'est vrai. «Mais ça ne m'empêchait en rien d'être tous les jours avec des rappeurs hardcore, des rappeurs techniques comme les Sages Poètes de la rue, des rappeurs très jazz comme Soon E MC ou Ménélik...»

D'ailleurs, pendant sa pause de neuf ans, il a été frappé par le rap du moment. Pas par la new school parisienne un brin bobo de 1995, pas par ceux qui se revendiquaient de sa musique. Non, plutôt par Kaaris, roi bagarreur de la trap hexagonale virulente et directe. «La première fois que j'ai entendu sa musique, j'ai senti qu'il y avait une rupture dans l'histoire du rap. S'il y avait eu plus de Kaaris dans le game, je serais sûrement revenu plus tôt.»

Il avoue avoir été frappé par le nouvel album de Kanye West, Donda, pourtant pas franchement l'œuvre d'un rappeur sage et humble. Il évoque la violence du son drill de Chicago, la première période de la trap d'Atlanta, dit «merci la zone» en référence à Jul. Les puristes du rap qui ne jurent que par lui et ses contemporains seraient déçus. Pas nous.

Ce 24 septembre, son deuxième album Prose Combat est donc réédité. Qui sème le vent récolte le tempo est de nouveau dans les bacs depuis juillet. Paradisiaque et MC Solaar, ses troisième et quatrième disques, ressortiront comme un double album à la fin de l'année. Car si litige juridique il y a eu en 1998, c'est parce que Polydor avait à l'époque choisi d'en faire deux albums distincts, contre la volonté du rappeur.

Alors, presque quinze ans après, MC Solaar a un peu gagné sa bataille, même si pour lui il ne s'agit pas de perdre ou de vaincre. Une fois ce cycle de rééditions achevé, il pourra se consacrer pleinement à son neuvième album. «J'ai envie de lui trouver un nom combatif, presque militarisant. Un esprit troupe de choc.» Frontal et direct, pas mielleux pour un sou.

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