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“Deadly Premonition 2” : Retour réussi pour le “Twin Peaks” du jeu vidéo - Les Inrocks

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Ouvertement inspiré de la série de David Lynch et pourtant doté d'une forte et singulière personnalité, le premier "Deadly Premonition" est devenu un jeu culte après avoir connu un accueil très contrasté à sa sortie en 2010. Très attendue, sa suite ne déçoit pas. Et aussi : l'étonnant film interactif "Death Come True" par l'auteur de "Danganronpa" et de nouvelles versions de trois jeux marquants : "Catherine : Full Body", "The Wonderful 101" et "The Wanderer : Frankenstein's Creature".

"C’est la décennie qui a édifié la carrière de Forest Whitaker." Traversant sur son skate la paisible ville de Louisiane dans laquelle il mène son enquête, l’agent du FBI est intarissable sur la filmographie de l’interprète de Bird, rappelant ses premiers rôles marquants dans l’important teen-movie Fast Times at Ridgemont High (Amy Heckerling, 1982) ou dans Platoon (Oliver Stone, 1986) et allant jusqu’à lui promettre un Oscar pour bientôt, "peut-être même pour l’année prochaine". Ce qui est assez bien vu de sa part puisque notre histoire se déroule en 2005 et que Forest Whitaker sera justement oscarisé en février 2007 pour son interprétation d’Idi Amin Dada dans Le Dernier Roi d’Ecosse, tourné l’année précédente.

Ce curieux agent a pour nom Francis York Morgan – appelez-le "York", il y tient, tout le monde le fait – et ce n’est pas exactement un inconnu. Il y a dix ans, il était déjà le héros de l’un des jeux vidéo pas si nombreux à vraiment mériter le qualificatif galvaudé de "culte" : Deadly Premonition. Un jeu qui, à sa sortie, a profondément divisé la critique comme le public. Beaucoup l’ont haï, pour sa technique bancale ou pour la bizarrerie de son récit, mais ceux qui l’ont aimé ne l’ont pas fait à moitié. Ils en parlent aujourd’hui encore avec un sourire un peu étrange et des trémolos dans la voix, et si ce qu’ils en disent ressemble un peu à une grosse blague, leur ton ne laisse aucun doute : c’est beaucoup plus que ça.

Dans la tête

Pour qui s’attendrait à découvrir un jeu plus en phase avec les standards technologiques actuels, les premiers pas dans Deadly Premonition 2 pourraient se révéler un peu difficiles. Car si le jeu se déroule donc en 2005, il ressemble par moments aussi à une production de cette époque et l’on ne saurait trop conseiller de le pratiquer sur la Switch en mode portable plutôt que sur un téléviseur grand format, où la modélisation assez grossière de ses personnages et son animation souffreteuse se remarquent davantage. Mais, au fond, qu’importe l’écran : Deadly Premonition, c’est d’abord dans la tête que ça se passe.

Comme le premier volet, qui a beaucoup fait pour la réputation de son auteur Hidetaka Suehiro (alias SWERY ou Swery65), Deadly Premonition 2 prend la forme d’un whodunit, mais comme filtré par l’esprit malade de son personnage principal qui doit beaucoup au Dale Cooper de Twin Peaks, influence majeure de Deadly Premonition. Sauf que là où Cooper enregistrait des mémos pour "Diane", c’est totalement dans le vide que parle York quand il commente les faits à destination d’un certain "Zach". Parfois, il l’appelle juste comme ça, sans raison particulière, en filant sur son skate en direction de l’hôtel où il est descendu. Et dont le concierge, le groom et le chef, qui portent le même nom, semblent bien être la même personne. Sauf qu’ils s’en défendent.

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Alligator

Rapidement, York, qui aime beaucoup La Féline (1982) de Paul Schrader et pense que la meilleure scène de douche de l’histoire du cinéma se trouve dans Le Bateau de la mort (1980) d’Alvin Rakoff, en arrive à supposer que, pour résoudre l’affaire qui l’intéresse, il convient de rechercher un homme mesurant environ 3 mètres. Mais notre héros ne perd quand même pas le nord car, pour obtenir qu’une certaine Mme Carpenter libère un moment la piste de bowling qu’elle squatte du matin au soir depuis la mort de son mari et que, pour une raison moyennement claire, il a besoin d’utiliser, il aura la bonne idée de déposer devant chez elle, à la nuit tombée, une figurine d’alligator. Et ça marchera – ne nous demandez pas pourquoi.

Se plonger dans Deadly Premonition 2, c’est accepter que, pour produire ce genre de situations, la raison ait subi une sorte de mutation. D’autant que la digression, verbale (comme quand York, soudain, tient à nous informer de l’importance, à ces yeux, de l’état des toilettes son évaluation d’un bar ou d’un hôtel) mais aussi ludique, est ici la règle plutôt que l’exception. C’est un jeu qui, plus encore que par ruptures (même s’il en propose d’assez marquantes), procède essentiellement par glissements : d’une idée ou une signification à une autre qui la contredit presque mais pas complètement, d’une tâche sérieuse à la suivante plutôt bouffonne, mais présentée avec le même sérieux.

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Dissonance

Plus encore qu’à GTA (pour le monde ouvert et la structure des missions) ou à Shenmue (pour le rapport au quotidien et au temps qui passe, que l’on peut d’ailleurs accélérer en fumant des cigarettes), c’est à No More Heroes d’un autre original japonais, Goichi Suda, que fait souvent penser Deadly Premonition 2. Mais un No More Heroes qui, plutôt que la carte hyperactive et néo-punk, préfère jouer celle de la ballade décontractée, jazzy et même presque sereine malgré sa folie. Le tour de force d’Hidetaka Suehiro et de ses complices est là : dans cette manière de faire apparaître toute cette dinguerie comme naturelle plutôt que profondément déstabilisante. De rendre mélodieuse, et entêtante, la dissonance.

"Vous devriez dédier tout votre temps libre à regarder des films. On devrait même en faire une loi", affirme l’agent Francis Zach (oui, "Zach", ici) Morgan au début du jeu (qui, avant de partir en 2005, démarre de nos jours). Il n’a pas tort, à condition d’en garder aussi pour les jeux vidéo. Pour les bons, en tout cas, ceux qui, sans forcément en avoir l’air, font voyager loin et que l’on quitte un peu changé, disons reconfiguré, plus clair et ouvert, moins creux. Les jeux comme Deadly Premonition 2.

Deadly Premonition 2 : A Blessing in Disguise (Toybox Inc. / Rising Star Games / Nintendo), sur Switch, environ 50€.

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Et aussi :

"Death Come True"

Avec Danganronpa, Kazutaka Kodaka a signé l’une des séries de visual novels les plus marquantes de la dernière décennie. Son dernier projet en date relève d’un genre sensiblement différent car, interprété par de vrais acteurs et se bouclant en deux heures, Death Come True adopte la forme du film interactif. Mais avec un twist car, s’il propose régulièrement au joueur de faire des choix, ces derniers n’ont pas toujours pour conséquence de lancer le récit sur une nouvelle route. Parfois, aucunes des options proposées ne peuvent d’ailleurs être qualifiées de "bonne" et la mort de notre personnage, avec retour au point de départ, se révèle inéluctable pour un effet Un jour sans fin assumé qui rend l’affaire à la fois moins lisible et plus intrigante. Parmi les ingrédients savamment mélangés de Death Come True : un hôtel, un tueur en série, du virtuel et un grand amour. Le résultat est très recommandé.

Sur Switch, iOS et Android, IzanagiGames, environ 18€. A paraître sur PS4 et Windows.

"Catherine : Full Body"

Déjà disponible sur PS4 depuis l’an dernier, la version revue et augmentée de Catherine, sous-titrée Full Body, débarque aussi sur la Switch. Pour ceux qui n’y auraient pas encore été exposés, c’est une excellente occasion de découvrir l’un des jeux japonais les plus stimulants et, en même temps, les plus problématiques de ces dernières années. Entre deux phases de cauchemar / puzzle-game qui voient notre personnage escalader des tours en caleçon avec sur la tête des cornes de mouton, on y parle amour, sexe, (in) fidélité et genres d’une manière qui oscille spectaculairement entre une touchante subtilité et la balourdise misogyne et transphobe la plus désespérante. Une chose est néanmoins sûre : Catherine : Full Body se visite avec profit.

Sur Switch, Atlus / Koch Media, environ 50€. Egalement disponible sur PS4.

"The Wonderful 101 Remastered"

Déjà bien avancée par Nintendo avec ses principaux tubes de l'époque, de Mario Kart 8 à New Super Mario Bros U, la réédition des meilleurs jeux de la mal-aimée Wii U se poursuit avec l'un des titres les plus étonnants d'Hideki Kamiya, The Wonderful 101, qui ne nous confie, pas un, mais une multitude de super-héros à diriger, jamais aussi puissants que quand ils sont alliés. Si, techniquement, le portage n'est pas au-dessus de tout soupçon, les développeurs de Platinum Games sont parvenus à compenser l'absence, sur la PS4 et la Switch qui l'accueillent aujourd'hui, du deuxième écran (tactile) qu'utilisait abondamment la version Wii U. Le résultat est un jeu d'action aussi dynamique qu'audacieux doublé d'un bel hommage aux séries Super sentai.

Sur PS4 et Switch, Platinum Games / Just For Games, environ 45€.

"The Wanderer : Frankenstein’s Creature"

C'est toujours un plaisir de voir une œuvre aimée débarquer sur une nouvelle machine à jouer susceptible d'en accroître la portée. Dans le cas de The Wanderer, qui relate d'une manière unique la vie de la créature du docteur Frankenstein et fut l'un des jeux marquants de l'an dernier, c'est au tour de la Switch d'entrer dans la danse, en attendant les mobiles Android qui devraient suivre fin août. Très soignée, cette adaptation est une nouvelle raison de conseiller ce jeu superbe.

Sur Switch, La Belle Games / Arte, environ 15€. Egalement disponible sur Mac, Windows et iOS. A paraître sur Android.

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July 10, 2020 at 02:49PM
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